À en juger par les occupations des classes riches aujourd'hui, la perspective est fort déprimante. La plupart, libérés de toute tâche et de toute attache, ont échoué lamentablement à résoudre ce problème. Mais j'ai la conviction qu'ayant acquis un peu plus d'expérience, nous ferons un usage tout différent des libéralités toutes neuves de la nature. Pendant des années, le vieil Adam laissera en nous de telles empreintes que tout le monde aura besoin de travailler pour être satisfait. Nous ferons davantage nous-mêmes que ne font les riches d'aujourd'hui, trop heureux de conserver de légers devoirs, de nous conformer à de petites tâches et de vieilles routines. Mais nous nous efforcerons aussi de mettre sur nos tartines plus de beurre – de partager le peu de travail qu'il restera à faire entre autant de personnes qu'il est possible. Lettre a mes enfants et adultes. Trois heures par jour et une semaine de quinze heures constitueront une transition utile pour commencer. Car trois heures de travail par jour suffiront encore amplement à satisfaire en nous le vieil Adam.
Pour la première fois depuis ses origines, l'homme se trouvera face à face avec son véritable, son éternel problème – quel usage faire de sa liberté, comment occuper les loisirs que la science et les intérêts composés lui auront assurés, comment vivre sagement et agréablement, vivre bien? Ce sont les hommes d'affaires, absorbés par leur tâche, actifs et aptes à faire de l'argent, qui nous entraîneront tous vers la terre promise de l'abondance. Mais ce seront les gens qui peuvent cultiver l'art de vivre pour lui-même, qui ne se vendent pas pour exister, qui seront à même de jouir de cette abondance. Lettre a mes enfants je jour de mon deces. Il n'y a pas de pays et pas de peuple, à mon avis, qui puisse envisager un âge de loisirs sans appréhension. Car nous avons été trop longtemps habitués à peiner et à lutter, non à jouir. C'est un problème terrifiant pour quelqu'un sans talent particulier que de s'occuper, surtout lorsqu'il n'a plus de racines avec la terre, de liens qui l'attachent aux coutumes et aux conventions chères à une société qui vit de traditions.